2011-08-02

Quand la carotte ne suffit plus...

" Quelle était, conséquemment, la direction à suivre ? Nous le dirons avec les mots d’un journaliste, puisqu’un grand philosophe enseigna, voilà plus d’un siècle et demi, que « dans l’opinion publique, il y a tout le vrai et tout le faux », et puisque les journalistes sont spécialistes en opinions publiques et privées : « … Nombre de symptômes politiques, syndicaux et culturels — a écrit alors Nicola Adelfi dans Epoca — donnent à penser que cette situation va durer (…), on ne voit pas comment la vague de violence pourrait se briser ou même seulement s’atténuer. À moins qu’il ne survienne quelque fait imprévisible et de nature traumatique : je veux dire quelque chose qui, à l’improviste, secoue profondément l’opinion publique et lui donne la sensation de se trouver désormais à un pas de l’anarchie, et de son inséparable compagne, la dictature. » ", Censor (alias G. Sanguinetti), Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie, 1975.


"L'ATTENTAT A LA BOMBE DE LA GARE DE BOLOGNE AU MATIN DU 2 AOUT 1980.

Suite à la formidable explosion de la gare de Bologne, deux ans après la mort de Moro, nombre d'Italiens auraient pu se faire des cheveux blancs - non seulement à cause du macabre bilan de 85 morts et 200 blessés mais aussi de l'inertie des autorités qui s'ensuivit. Bien que les magistrats instructeurs aient suspecté des néofascistes, ils furent incapables d'émettre des mandats d'arrêt crédibles pendant plus de deux ans, à cause de fausses informations fournies par les services secrets. A cette époque, parmi les cinq principaux suspects, dont deux avaient des liens avec le SID, tous sauf un avaient décampé du pays [Interview avec Jeff Bale, 21 mars 1994.]. Les explosifs T4 trouvés sur les lieux étaient identiques au matériel de Gladio utilisé à Brescia, Peteano et dans d'autres attentats à la bombe, selon la déposition d'un expert devant le juge Mastelloni [Giustolizi, op. cit., p. 14.].
Au procès, les juges mentionnèrent la « stratégie de la tension et ses liens avec les “puissances étrangères”. » Ils découvrirent aussi la structure civile et militaire secrète liée aux groupes néofascistes, à la P2 et aux services secrets [Willems, op. cit., p. 116.]. Bref, ils découvrirent la CIA et Gladio.

Mais leurs efforts pour rendre une justice véritable dans l'attentat à la bombe de Bologne ne menèrent à rien car, en 1990, la cour d'appel acquitta les « cerveaux » présumés. Gelli, la tête de la P2, fut relâché, de même que deux chefs des services secrets dont les condamnations pour parjure furent annulées. Quatre gladiateurs reconnus coupables de participation à bande armée gagnèrent aussi leurs procès en appel. En cela, Peteano fut la seule affaire majeure d'attentat suivie d'une condamnation du véritable poseur de bombe, grâce aux aveux de Vinciguerra.

Les désolantes minutes judiciaires de ces crimes monstrueux démontrèrent à quel point le réseau Gladio contrôlait l'armée, la police, les services secrets et les principaux tribunaux. Grâce à la P2, et à ses 963 frères bien placés [Ibid., p. 119. Quand la police découvrit la liste des membres en mars 1981, Gelli s'enfuit du pays. Il fut plus tard extradé de Suisse pour figurer au procès de l'attentat à la bombe de la gare de Bologne. Willan, op. cit., p. 209.] , la collusion s'étendait aussi aux plus hauts niveaux des médias et des affaires. "

Arthur Rowse 
extrait (13) de 'Gladio : la guerre secrète des Etats-Unis pour subvertir la démocratie italienne'
publié en 1994, traduction (intégrale) en décembre 2009 par